Un appartement fait l’objet d’une promesse unilatérale de vente au profit d’un couple, une indemnité d’immobilisation étant prévue en cas de non-réalisation de la vente. La promesse est notifiée aux époux par lettre recommandée AR. Par courriel envoyé le dernier jour du délai de rétractation, les époux informent le notaire chargé de la rédaction de l’acte de vente qu’ils se rétractent. Le vendeur conteste l’efficacité de cette rétractation et réclame le paiement de l’indemnité d’immobilisation.
La cour d’appel de Paris fait droit à cette demande, estimant que le courriel n’a pas permis aux époux d’exercer régulièrement leur droit de rétractation car il ne présente pas, pour la détermination de la date de réception ou de remise, des garanties équivalentes à celles de la lettre recommandée AR : l’envoi d’un courriel ne permet ni d’identifier l’expéditeur et le destinataire ni d’attester de sa date de réception ; l’équivalence entre la lettre recommandée papier et la lettre recommandée électronique ne peut pas être étendue à un simple courriel.
La Cour de cassation censure cette décision. En effet, la cour d’appel aurait dû rechercher, comme il le lui était demandé, si l’envoi d’un courriel au notaire mandaté par le vendeur pour recevoir l’éventuelle notification de la rétractation, lequel avait attesté en justice de sa réception dans le délai, n’avait pas présenté des garanties équivalentes à celles d’une notification par lettre recommandée AR.
À noter
Aux termes de l’article L 271-1 du Code de la construction et de l’habitation, l’acquéreur non professionnel d’un immeuble à usage d’habitation peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte. Cette notification lui est faite par lettre recommandée AR ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise ; la faculté de rétractation est exercée dans ces mêmes formes.
Une lettre recommandée électronique équivaut à une lettre recommandée papier dès lors qu’elle répond à certaines exigences en matière notamment d’identification de l’expéditeur et du destinataire, de preuve du dépôt et de la réception et de l’intégrité des données transmises (CPCE art. L 100 et R 53 s.). Qu’en est-il d’un simple e-mail ? Il n’y a pas de raison d’écarter a priori l’usage de l’écrit électronique, qui a la même force probante que l’écrit papier si son auteur peut être identifié et s’il peut être établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité (C. civ. art. 1366).
Le pourvoi en cassation faisait valoir que le courriel avait été adressé au notaire mandaté pour recevoir la rétractation et que la valeur probatoire de l’attestation du notaire, pris en qualité d’officier ministériel, s’agissant du jour et de l’heure de réception du courriel, ne pouvait pas être remise en cause. Est-ce suffisant pour valider la rétractation par courriel ? Il appartiendra à la cour d’appel de renvoi de trancher. En attendant, il est conseillé à l’acheteur d’exercer son droit de rétractation par lettre recommandée AR, papier ou électronique.
Source : Cass. 3e civ. 2-2-2022 n° 20-23.468 FS-DB
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